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Sinistralité : se prémuniret y faire face

Parmi les membres du corps médical, les chirurgiens-dentistes figurent en tête de liste des déclarations de sinistre. Savoir se protéger et réagir face à un patient contestataire permet d'éviter les recours judiciaires.

Propos recueillis par Catherine Darinot., publié le 23 avril 2025

Sinistralité : se prémuniret y faire face

Au cours de sa carrière, nul chirurgien-dentiste ne se trouve à l’abri d’un patient mécontent ou de la survenue d’un incident. Un dossier médical à jour, une attitude empathique ainsi qu’une communication et un accompagnement adapté permettent souvent de solutionner les conflits. Lorsque la communication et la confiance deviennent difficiles, la déclaration du sinistre auprès de l’assureur permet de déléguer les échanges à un tiers. Si la plupart des procédures se dénouent à l’amiable, un petit pourcentage nécessite l’intervention de la justice. Dans tous les cas l’assurance responsabilité civile professionnelle reste l’atout du praticien afin d’être accompagné, défendu et protégé.

Avec un taux de sinistralité autour des 6,5 %, la profession de chirurgien-dentiste représente l’une des plus touchée après les médecins généralistes, les chirurgiens orthopédiques et les ophtalmologistes. Une proportion en augmentation depuis quelques années notamment en raison du reste à charge (actes techniques particuliers), générant des doléances indemnitaires des patients. L’offre de soins dentaires, majoritairement libérale, expose davantage les praticiens exerçant en cabinet. Le Dr Chanéac, directeur du comité dentaire à la MACSF, expose les façons de se protéger.

« Un suivi adapté et empathique permet de limiter l’ampleur de la contestation »

Quels sont les actes faisant le plus objet de litiges chez les chirurgiens-dentistes ?

Dr Henri Chanéac : En 2023, les actes de réhabilitation prothétique, de réhabilitation implantaire et les actes endodontiques font partie des litiges les plus fréquents. On note également l’augmentation de la sinistralité sur les traitements orthodontiques par aligneurs. Pour donner quelques chiffres, les litiges prothétiques représentent 27,5 % des déclarations (77 % concernent les prothèses conjointes). En deuxième position les complications liées à des actes de soins et de chirurgie représentent 27,1 % des déclarations. Dans cette catégorie on retrouve les complications endodontiques avant mise en œuvre prothétique telles que faux canaux, bris instrumentaux, dépassements. Mais aussi les erreurs de diagnostic ou extraction, les complications d’actes chirurgicaux et les complications à distance (endocardite notamment). Enfin les litiges en orthodontie correspondent à 4,7 % des litiges, la plupart liés à des problématiques sur les plans de traitement. En orthodontie, on note une augmentation des déclarations par des sociétaires non spécialistes.

Comment expliquez-vous l’augmentation de la sinistralité dans la profession ?

Effectivement, on constate qu’en 10 ans, le nombre de déclarations a augmenté de 29 %. Concernant la sinistralité endodontique, elle a doublé notamment du fait de l’utilisation de plus en plus fréquente de l’instrumentation mécanisée et du reste à charge pour le patient. La sinistralité implantaire augmente de 29 % en 10 ans du fait de l’intégration progressive de cette discipline chez un nombre croissant de praticiens. Il existe également une proportion croissante de litiges sur les réhabilitations étendues.

Quel est le rôle de l’assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) pour le praticien ?

Le rôle de la RCP est d’assister le professionnel mis en cause quel que soit la procédure, amiable ou judiciaire. Nous centralisons les échanges avec les patients et parfois les avocats. Nous indemnisons le patient lorsqu’il y a une responsabilité avérée et nous défendons le sociétaire en cas de déclaration non justifiée. Nous avons un rôle de prise en main des échanges et d’objectivité. À la différence des médecins, 80 % des procédures se déroulent à l’amiable chez les chirurgiens-dentistes.

Comment doit procéder le praticien face à la survenue d’un sinistre ?

La praticien incriminé par un patient ou recevant une assignation doit contacter rapidement son assureur. Il sera invité à transmettre un dossier médical le plus complet possible. Ensuite l’assureur analyse la conformité des éléments par rapport aux recommandations. En fonction des doléances du patient, il vérifie s’il existe un lien de causalité. La plupart du temps cela se règle à l’amiable. En cas de procédure juridique, une expertise judiciaire se met en place avec des avocats. Nous envoyons un expert de notre réseau. Le patient peut lui aussi, selon les cas, avoir recours à un expert. Seul, le confrère ne peut pas faire grand-chose. L’assureur a un rôle central quel que soit le type de plainte et de procédure.

Quels conseils donneriez-vous à un confrère pour se prémunir ?

Des complications dans les traitements peuvent survenir et dégrader la relation entre le patient et le praticien. Un suivi adapté et empathique permet de limiter l’ampleur de la contestation. Il ne faut pas abandonner le patient et s’assurer qu’il soit bien pris en charge. Lors d’un incident de bris d’instrument par exemple, le patient pourra être dirigé vers un confrère. Le praticien doit faire comprendre au patient que cela fait partie des risques, puis lui proposer des solutions (avec surcoût possible pour le patient). Reconnaître ses erreurs et proposer une réponse adaptée permet d’apaiser certaines situations. Lors d’un litige, il s’agit souvent d’un problème de communication entre le chirurgien-dentiste et son patient. Si malgré toutes ces précautions, la confiance est rompue, le sinistre doit être déclaré.

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