Les biologistes en prévention, auprès des patients

Jean-Claude Azoulay, président du SNMB, exprime ainsi ce que tout le monde pense : « Les biologistes sont en mesure de participer à la réorganisation des soins primaires, comme le préconise le Haut Conseil de la Santé Publique dans son rapport sur la stratégie nationale de santé à l’horizon 2033. En cas d’anomalies biologiques, les biologistes peuvent prendre l’initiative de compléter le bilan, afin que le patient puisse bénéficier d’une prise en charge biologique complète avant la consultation médicale. Dans un contexte d’urgence médicale ou après un dépistage positif, par exemple, ils pourraient ainsi prescrire un traitement de première intention ou orienter rapidement le patient vers le médecin traitant. »

Un problème de statut juridique ?

François Blanchecotte, président du SDBio, soutient que cela fait partie du problème : « Dans le Code de la santé publique, nous ne sommes pas recensés dans les professions médicales. Aussi, dès qu’une mesure touche à la prévention ou à des plans de santé publique massifs, nous sommes oubliés. Régulièrement, la demande est faite au gouvernement d’inclure les biologistes dans cette partie du Code, mais une fin de non-recevoir est à chaque fois rendue. La dernière date de novembre 2023. La justification : « vous êtes déjà soit médecins, soit pharmaciens, donc vous êtes des professionnels de santé. » Sauf que, dans les faits, le statut est suffisamment flou pour que le gouvernement n’utilise ce statut de médecin ou de pharmacien que lorsque cela l’arrange. »

Les biologistes, grands oubliés

Grande opération de vaccination, déploiement d’entretien de prévention massif, diagnostic des infections urinaires sans ordonnance… les biologistes sont à chaque fois oubliés. « On nous a même oubliés lors des premières distributions de masques aux professionnels de santé pendant le Covid », témoigne un participant des JIB 2023. Cette tendance est cependant à nuancer : les biologistes, à force de réclamer, finissent par obtenir quelques mesures. Ils ont ainsi été intégrés à certaines campagnes de vaccination cette année. Pourtant, au départ, rien n’avait été prévu pour rémunérer cet acte. Ils n’ont d’ailleurs toujours pas l’autorisation de stocker les vaccins. Ce n’est donc pas opérationnel.

VIH/IST, une porte ouverte ?

À présent qu’un certain nombre de dépistages peuvent se faire au laboratoire sans ordonnance, les biologistes sont de fait en première ligne. Ils doivent assurer le diagnostic, faire l’annonce au patient et l’orienter pour son parcours de soins. Une entrée pour l’instant anecdotique dans le parcours des Français, mais qui devrait se généraliser à d’autres dépistages et donc placer le biologiste comme un nouvel interlocuteur de premier recours. C’est une évidence pour « redonner du sens à la profession, d’une part, et sortir du cycle infernal de la baisse du B en assurant des missions cliniques rémunérées », insiste Jean-Claude Azoulay.

Au-delà des biologistes

Pour beaucoup, l’avenir des biologistes n’est pas qu’une question liée à une profession en particulier. Elle est un reflet de plus des dysfonctionnements de notre système de santé aujourd’hui piloté principalement par des visions comptables. Les médecins et les biologistes ne sont plus aux commandes et n’orientent plus les politiques médicales. Cela débouche sur des dérives financières et des décisions qui vont à l’encontre de la santé publique. La question de la place des biologistes est en fait celle de la politique de santé nationale, des parcours de soins et d’une réflexion axée sur le bien-être du patient. Des idées qui sont, certes, dans les discours, mais peu dans les actes.

La vision de la DGS

À l’occasion des JIB 2023, Gregory Emery, directeur de la Direction générale de la Santé (DGS) a évoqué la place que pourraient occuper les biologistes médicaux dans le prochain plan de santé envisagé par le gouvernement et qui devrait être axé sur un fort développement de la prévention. « Notre population est vieillissante, les maladies chroniques non transmissibles des séniors impliquent une politique de prévention massive et structurée. La biologie médicale a toujours été un lieu d’innovation, technique bien sûr, mais aussi organisationnelle ; et vous nous l’avez encore prouvé pendant la crise de la Covid. L’avenir de la santé et de la médecine réside dans un développement massif de la biosurveillance humaine et d’un biomonitoring de la population. Les biologistes médicaux seront à l’avant-garde de cette médecine prédictive, participative et biomonitorée. » Il poursuit en expliquant que les biologistes joueront un rôle crucial et central dans la prévention professionnalisée, avant de conclure : « Il faut penser l’avenir de façon heureuse ! Nous pouvons transformer les défis de la biologie en opportunité pour notre système de santé. »

Sophie Hoguin