Préparations magistrales de sertraline : les préparatoires disent non

" Nous avons dit non. Collectivement. "

Les prix fixés pour la sertraline sont-ils économiquement tenables ?

Fabien Bruno : Absolument pas. À l’origine, la DSS nous a proposé un tarif de 8 €, alors que le seul coût de la main-d’œuvre est déjà de 9 €. Nous avons documenté que le coût réel d’une préparation tourne autour de 23 €. Malgré cela, ils ont arbitrairement arrêté un tarif à 15 €, sans tenir compte de nos alertes.

Ce prix couvre-t-il vos charges ?

F. B. : Même pour un gros préparatoire comme le mien, c’est limite. À 15 €, sans pouvoir facturer les 2 € de frais de transport, on revient à une marge fictive. Nous avons environ 9 € de main-d’œuvre et 4 € de charges (matière première, gélules, énergie, etc.). C’est une opération blanche, voire déficitaire. Pour les plus petits préparatoires, c’est une vente à perte.

Une concertation a-t-elle vraiment eu lieu avec les autorités ?

F. B. : On nous a consultés, mais ils ont ignoré nos données. La DSS a sorti cet arrêté en sachant pertinemment que nous refuserions de produire. On respecte la procédure, mais sans aucune intention de rendre la mesure applicable. C’est une forme de façade réglementaire.

Pourquoi refuser de produire malgré la demande ?

F. B. : Parce qu’accepter ce tarif, c’est ouvrir la voie à d’autres préparations à perte. On perdrait sur la sertraline aujourd’hui, et demain sur toutes les autres. C’est une ligne rouge. Nous avons préféré perdre l’argent investi dans la matière première plutôt que de légitimer ce modèle destructeur.

Les patients seront donc privés de traitement ?

F. B. : Oui. Aucun préparatoire ne fabriquera la sertraline à ces conditions. C’est terrible, car nous aurions pu répondre à la pénurie. Mais, on nous en empêche. Et, au final, c’est l’hôpital qui prendra le relais, à un coût bien supérieur, humain et financier.

Le dialogue avec les autres institutions a-t-il été plus constructif ?

F. B. : L’ANSM et d’autres services de l’État comprennent notre position et sont eux-mêmes surpris par l’arrêté de la DSS. Mais, cela ne suffit pas. Tant que la DSS reste sourde, rien ne changera. De plus, je doute qu’elle revienne en arrière, ce serait reconnaître une erreur politique.

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Légende : A concept image of a person standing out from a crowd as a leader or inspirational teacher amongst men and women or being excluded because of being different – A Manager or Leader addressing a group of people or being isolated because of diversity – 1211628101

Crédit : Teamjackson-istock

Cette situation change-t-elle votre stratégie pour d’autres molécules en tension ?

F. B. : Totalement. Pour la venlafaxine, par exemple, nous n’avons rien commandé. Désormais, on attendra un engagement de prix avant de mobiliser du temps, du personnel, des analyses, et des matières premières. Mais, cela veut dire une réponse moins rapide aux pénuries.

Un mot pour conclure ?

F. B. : On nous empêche de faire notre métier. On pourrait fournir des traitements sûrs à des prix raisonnables, mais on préfère laisser les patients sans solution.  On a désigné la santé mentale comme Grande Cause nationale en 2025… et pourtant, on entrave l’accès aux traitements fondamentaux. C’est un non-sens absolu.

NOTE :
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Thomas Kassab